Interview de Karine Lair, DGA d’Oasys, parue dans Elle Active le 14 mai 2020
Depuis le 14 avril, les salariés en chômage partiel peuvent suivre une formation professionnelle gratuitement. Mais comment cela se passe-t-il concrètement ? Peut-on acquérir des compétences efficacement en télétravail ? Les réponses de Karine Lair, directrice générale adjointe du cabinet Oasys, spécialiste des questions RH.
ELLE. Comment avoir recours à une formation en ce moment ?
Karine Lair. Avant tout, je précise que de nouveaux décrets relatifs au chômage partiel sont publiés régulièrement ces dernières semaines, parfois avec un effet rétroactif. Pour l’heure, lorsque vous êtes en activité réduite, votre organisation peut vous proposer une formation via le Fonds national de l’emploi (FNE) – un dispositif permettant, d’ordinaire, une prise en charge par l’État de cursus pour les salariés en chômage partiel dans des entreprises en restructuration. Aujourd’hui, le dispositif est élargi et facilité avec des délais de prise en charge par l’Etat courts (72 heures pour accepter des formations de moins de 1.500 €). En clair, il s’agit d’un outil à la main des sociétés pour faire monter en compétences des équipes inoccupées et, dans le cas actuel, adapter leurs ressources à l’après-crise.
ELLE. Peut-on se former efficacement aujourd’hui ?
Karine Lair. Tout le monde ne retrouve pas une activité pleine ces jours-ci. Les conditions du dispositif de chômage partiel changeront d’ailleurs seulement à compter du 1er juin. Il existe des formations courtes de deux jours faciles et rapides à mettre en place sur des sujets techniques ou liés à des compétences comportementales comme le management. Le mieux est de choisir un organisme dont la plateforme de formation à distance est antérieure au confinement : l’offre est généralement bien rôdée et ne se réduit pas à un simple Mooc sans interactivité.
ELLE. En pleine crise, quelle doit être notre stratégie de formation ?
Karine Lair. Chacun doit analyser, dans un marché de l’emploi qui s’annonce difficile dans les mois à venir, les formations qui le rendraient « bankable », et identifier les thématiques, parfois d’ordinaire minorées, sur lesquelles il faudrait monter en compétences. Par exemple, pour les professionnels des ressources humaines, tout ce qui a trait à l’hygiène et à la sécurité individuelle revient en force. Plus globalement, tous les savoirs liés au numérique sont rois, de la mobilisation des équipes en période complexe, à l’accompagnement du changement en passant par la cybersécurité pour ceux qui travaillent dans l’informatique. Toutes ces compétences permettront aux profils d’obtenir une forte employabilité, au-delà de la crise sanitaire : elles peuvent très bien s’acquérir maintenant, rapidement et à distance.
ELLE. Dans un avenir incertain, les compétences comportementales sont-elles appelées à gagner en importance ?
Karine Lair. Ce qui est sûr est que certaines vont devoir être réajustées ! Par exemple, au lieu de convaincre un client via un road show, de l’emmener boire un pot ou de rire avec lui lors de moments informels, les commerciaux vont sûrement devoir adapter leurs techniques de vente à la visioconférence, tout en gardant le lien de proximité… D’autre part, dans un monde où le télétravail est appelé à prendre plus de place, comment créer du lien avec ses équipes ? Comment remarquer celui qui n’a pas le moral ? Toutes ces questions vont devoir être étudiées, et traitées, au regard de nouvelles pratiques relationnelles.