Article écrit par Vincent BOUQUET, publié dans les Echos.fr.
Tendance Pour certains collaborateurs, le confinement aura ouvert la boîte de Pandore des questionnements existentiels, et avec elle, celle du devenir professionnel. Reconversion, changement de secteur d’activité, quête de sens, bilan de compétences… L’heure des changements a parfois sonné.
Le confinement aurait-il soumis les salariés français à la bien nommée « tentation de Venise » ? Non pas à un attrait, aussi soudain qu’irrépressible, pour la Sérénissime, mais à une volonté de changer de vie , tant du point de vue personnel que professionnel. Selon une enquête YouGov pour Monster, réalisée auprès de 2.021 personnes, entre le 29 avril et le 1er mai, plus d’un Français sur deux (55 %) a été amené à réfléchir au sens de son travail, voire à son utilité, depuis le début de la pandémie de Covid-19.
Pis, ils sont 25 % à vouloir « faire quelque chose pour changer leur quotidien ». « Cela peut se traduire par la recherche de nouvelles responsabilités, la concrétisation de projets extraprofessionnels, voire une envie de reconversion, observe l’étude. Les 18-24 ans et les Franciliens sont encore plus nombreux – 36 % et 32 % – à affirmer le besoin de retrouver du sens dans leur environnement professionnel. » Et Romain Giunta, responsable éditorial de Monster. fr, d’abonder : « L’investissement du personnel soignant, des professionnels de la ‘première ligne’ et les initiatives solidaires ont suscité l’admiration des Français. L’état d’esprit qui en ressort montre les signes d’une volonté de changer quelque chose tout de suite au travail, de façon plus ou moins radicale pour certains. »
Un boom de demandes d’accompagnement
D’aucuns n’ont d’ailleurs pas attendu la fin du confinement pour passer de la réflexion aux actes. Chez Oasys Consultants, la directrice du département « Bilans et dynamique de carrière », Nathalie Le Sassier, a remarqué un afflux de demandes de bilans de compétences dès le début de la période. Même son de cloche chez le spécialiste de la transition professionnelle somanyWays. Sa fondatrice et CEO, Anaïs Georgelin, assure avoir enregistré un « boom d’inscription » à tous ses programmes d’accompagnement digitaux : « Notre ‘Programme 7 jours’ a connu une explosion du nombre d’inscrits – + 25 % en deux mois -, les inscriptions à nos webinaires ont triplé, tout comme les demandes d’informations et les inscriptions aux parcours individuels d’accompagnement. »
Si, de l’aveu des deux expertes, la dynamique s’est un peu affaiblie à partir de la mi-mai, avec l’entrée en phase de déconfinement, il en va tout autrement chez Karma, qui constate, depuis la sortie du confinement, que beaucoup de candidats parisiens se positionnent sur des offres d’emploi en province. « Ce que nous observions dans une moindre proportion auparavant, affirme Ahmed Otmane, CEO de ce spécialiste de l’intérim. Certains, et ils ne sont pas rares, ont même interrompu, à leur initiative, des processus de recrutement pour des jobs à Paris afin de pouvoir se tourner vers des offres situées en région. »
Doper son employabilité
Pour expliquer cette envie soudaine de changement, qui ressemble davantage à l’amplification d’une lame de fond qu’à une révolution, les observateurs pointent plusieurs facteurs : le temps retrouvé à l’occasion du confinement que les salariés, déjà en proie à certains doutes, ont mis à profit pour se pencher sur leur devenir professionnel ; les questionnements existentiels soulevés par cette crise hors norme – « Mon métier est-il vraiment utile à la société et conforme à mes valeurs ? », « Aurais-je sacrifié mon bien-être personnel et familial pour des visées professionnelles ? » ; mais aussi les déceptions occasionnées par une gestion de crise parfois hasardeuse de la part des entreprises – retour forcé sur le lieu de travail sans les mesures sanitaires adéquates, manque d’outils pour permettre la continuité sereine de l’activité, errements stratégiques et managériaux, pression exercée sur certains collaborateurs afin de remplir des objectifs inatteignables.