Directeurs généraux : les opportunités paradoxales des confinements

Article écrit par Isabelle Mounier-Kuhn le 08/12/2020. Isabelle Mounier-Kuhn est associée et anime la practice Direction générale d’OASYS DIRIGEANTS.

“On accompagne mieux les individus quand on connait leur métier.”
Les directeurs des practices métiers d’Oasys publient chaque mardi, un article pour vous conseiller au mieux dans votre recherche d’emploi ou souhait de mobilité et évolution, grâce à leur connaissance fine des évolutions des métiers, de ses filières, de ses tendances actuelles et perspectives d’avenir.

 

 

Les recrutements de DG ont été nombreux en 2020 ! Contre-intuitive, cette tendance correspond pourtant à des besoins formulés par des boards et des présidents de Groupes. Sur quels enjeux ? Quel style de CEO cherchent-ils en cette période pétrie d’incertitudes et de changements à vue ?

Alors que des statistiques montrent une baisse de l’emploi des cadres, les recrutements pour la fonction de directeur général semblent les contredire car nombreux ont été les recrutements tout au long de 2020. La crise sanitaire et économique, comme d’autres avant elle mais peut-être de façon plus intense, révèle des besoins spécifiques dans les entreprises ainsi que des attentes nouvelles en termes de personnalité du Dirigeant.

Assurer l’opérationnel

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : lors du premier confinement, nombre de PDG d’ETI internationales ont pris conscience de la difficulté à assumer l’opérationnel tout en conservant du temps pour la réflexion stratégique et la hauteur de vue. Emportés par le tourbillon organisationnel, ces PDG ont décidé de recruter un DG, afin de maintenir le cap du développement de l’entreprise et de l’action opérationnelle et pouvoir, de leur côté, prendre le temps de la réflexion avec leurs actionnaires : quel impact de la crise sur le business, comment traduire les aspirations « au monde d’après » dans leur activité, comment le cas échéant réorienter la stratégie ?

C’est ainsi que des recrutements de directeurs généraux ont été réalisés entre avril et juillet (entretiens-découverte en visio validés par un dernier rendez-vous en physique) pour venir les épauler. Aujourd’hui, ces DG sont au cœur de l’action opérationnelle et du pilotage de projets stratégiques définis en amont (acquisitions, partenariats, prises de parts de marché, …), tout en gérant les incertitudes et la grande variété des situations selon les pays.

Faire face à la demande

Deuxième facteur, les besoins se sont renforcés dans certaines industries : c’est vrai notamment dans le transport routier, la logistique, la cyber sécurité, la production de contenus, les jeux vidéo, le bricolage, secteurs dans lesquels les besoins des particuliers comme des entreprises se sont multipliés ; certaines sociétés venaient de racheter d’autres opérateurs ; d’autres ayant envisagé de prendre des parts de marché en France cherchaient un DG expert du secteur et de sa réglementation. Ces entreprises ont recruté des directeurs généraux, ayant une forte acuité financière, opérationnelle et managériale, pour démultiplier la mise à disposition des produits, réaliser le rapprochement des différentes équipes ou répondre à des appels d’offres.

Mener la transition digitale

Troisième facteur : le digital. Associé du cabinet de chasse Russell Reynolds, Marc Sanglé-Ferrière a souligné, dans un récent webinaire animé par la practice DG d’Oasys Dirigeants, l’importance de l’accélération du digital depuis mars 2020 : la maîtrise de la digitalisation d’une activité et de la transformation profonde qu’elle génère dans une entreprise, l’expérience des apports de l’intelligence artificielle, sont passés de « nice to have » à urgemment nécessaires. Ce besoin de Dirigeants transformateurs et accélérateurs de croissance grâce au digital génère des postes de DG (souvent à l’occasion d’un départ à la retraite) et également des missions de management de transition.

Répondre aux questions sociétales

Le quatrième facteur, apparu en septembre, est une vague de recrutements, qui continuent en cette fin d’année, avec des missions ou des postes dans l’économie sociale et solidaire, l’environnement et l’agro-alimentaire bio ou répondant à des initiatives privées à but sociétal. Ces derniers mois dans ces univers, des missions temporaires pour structurer et lancer, voire relancer telle ou telle organisation ont pu déboucher sur des postes en CDI : directions générales d’ONG pour renforcer leur financement et leur impact et d’entreprises pour conduire le changement dans le contexte de la transition alimentaire ou énergétique.

Questions de style

Si ces besoins de recrutement sont parfois inattendus, que dire du style de DG souhaité ? Il est à ce titre intéressant d’analyser les « soft-skills » définis par le conseil d’administration et relayés par les chasseurs de tête.

Une récente étude de Russell Reynolds (Six COVID-era Leadership Imperatives) souligne notamment qu’on attend des DG :

  • la capacité à mobiliser, essentielle dans cette période de crise ;
  • la capacité à ajuster l’organisation car certaines activités croissent, d’autres se tassent, d’où la nécessité de modéliser les tendances : le directeur général devra non seulement maîtriser les données chiffrées de son entreprise mais aussi savoir les interpréter tant pour obtenir de l’oxygène de la part des banques que pour connaître et repérer des indicateurs montrant la voie du développement ;
  • enfin la double expérience du retournement et du développement.

Ces qualités doivent permettre au DG de gérer la complexité des tendances, avec des paris sélectifs et des actions offensives à mener tout en ayant à prendre des décisions difficiles de réduction de voilure.

 

Du rationnel à l’émotionnel

Outre ces savoir-faire, c’est aussi un style de dirigeant qui est recherché : un « leadership du sens », une capacité à donner une vision et à tenir un cap dans une incertitude encore accrue. De plus, sera appréciée sa sensibilité, sa capacité à reconnaitre des erreurs, son écoute et son aptitude à détecter les signaux faibles : ce style de leadership favorise une atmosphère positive, développe la volonté de chacun de contribuer au but commun, génère de la confiance dans les options prises par le Dirigeant. Face à des collaborateurs déstabilisés par une crise qui dure, ce sont des DG au fait de leur système de valeurs, conscients de ce qui les anime au plus profond d’eux-mêmes qui sont les mieux placés car ils savent libérer les énergies, la leur et celle de leurs équipes.

Récemment un Président d’ETI annonçait l’arrivée du nouveau DG en ces termes : « Au-delà de son expérience du métier, les qualités humaines de Sébastien correspondent parfaitement aux valeurs de notre groupe et je suis convaincu qu’il guidera les équipes avec une énergie positive vers le succès. »

Pour un dirigeant d’aujourd’hui, être sur le rationnel n’est pas suffisant: il doit montrer son souci de protection des salariés, savoir faire preuve d’empathie et d’authenticité en manifestant une dimension humaine, tout en gardant le cap et le courage de prendre des décisions, parfois difficiles.

Chaque directeur général qui peut se reconnaître avec ces caractéristiques a tout intérêt à les mettre en avant dans cette période, ô combien bousculée, mais qui recèle nombre d’opportunités : ce sont de puissants leviers de rebond !

 

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