Article paru dans La Gazette des Communes, le 07/09/2020
Les scrutins de mars et de juin ont entraîné un renouvellement total ou partiel des équipes municipales et intercommunales. Pour l’administration, direction générale en tête, l’heure est à la pédagogie et à l’adaptation.
Environ 500 000 conseillers ont été élus lors du dernier scrutin municipal, entraînant dans leur sillage des changements complets ou partiels d’exécutifs. L’administration doit désormais composer avec de nouvelles personnalités et méthodes de travail. « Quel que soit le scénario sorti des urnes, les élections marquent le commencement d’un nouveau cycle, avec de nouveaux projets », note Florent Noulette, responsable du pôle « collectivités territoriales » au sein du cabinet de recrutement Michael Page. Si l’adaptation de l’administration aux élus fait partie du jeu de la territoriale, elle nécessite bien souvent un effort de prise de distance. « Il ne faut pas avoir de sentiment de culpabilité ou, au contraire, de fierté excessive. Quelles que soient vos opinions personnelles ou la qualité du bilan, c’est le suffrage universel qui s’est exprimé. Il faut l’accepter et s’adapter », assure Bruno Paulmier, directeur général des services de la ville de Niort (1 200 agents, 58 700 hab., Deux-Sèvres). Une posture qu’il a faite sienne en 2014. A l’époque, la maire sortante avec laquelle il travaillait depuis 2008 subit une défaite cinglante. Ce qui ne l’a pas empêché de se mettre au service du nouvel édile. « J’ai été force de proposition tout de suite, j’ai apporté beaucoup d’éléments d’arbitrage, des scénarios alternatifs », explique-t-il. L’héritage d’une situation financière très dégradée – due à d’importants investissements – a contribué à une entente rapide. « Il y avait un cas de force majeure. J’ai dit au nouveau maire qu’on allait relever le défi de rétablir les comptes ensemble », indique le directeur général des services de Niort.
De la même manière qu’il y a six ans, dans la capitale des Deux-Sèvres, le contexte de crise sanitaire de 2020 aura contribué à un calage accéléré entre les élus et l’administration. La nécessité d’être rapidement opérationnel faisant loi. « Il a fallu être très vite en phase et en confiance pour que chacun appréhende bien son champ d’action », confirme Delphine Le Guerson, directrice générale adjointe des services, chargée des ressources de la commune de Saint-Hilaire-de-Riez (300 agents, 11 200 hab., surclassée 80 000-150 000 hab., Vendée). Si les champs d’action respectifs doivent être bien compris de part et d’autre, ils ne sont pas tenus d’être hermétiques, comme l’écrit La 27 e Région dans son document « L’Elu inoffensif » (restitution d’un groupe de travail du programme de prospective collaborative « Les Eclaireurs », destiné à imaginer l’administration de demain). « Appliqué au pied de la lettre, le sacro-saint principe de séparation entre l’administratif et le politique peut générer des incompréhensions et des blocages susceptibles de nuire à l’efficacité de l’action publique », estiment les contributeurs au projet.
D’où la nécessité d’outiller la coopération pour qu’elle se passe au mieux. D’abord en cherchant l’harmonie entre l’organisation administrative et politique, en pensant dès le départ l’articulation entre les délégations et le périmètre des services et des directions. Ensuite, les services et les élus doivent se mettre d’accord sur la façon dont ils souhaitent travailler ensemble au quotidien, et se donner des règles communes (processus d’information et de décision, temps de rencontre…). Pour ce faire, préconise La 27 e Région, « ils doivent lister les types de situations auxquelles ils vont être amenés à faire face, et attribuer à chacune une ou des modalité[s] appropriée[s] ». Au bout de six mois, une nouvelle réunion doit être organisée pour dresser le bilan. De quoi « mettre de la réciprocité, de la transparence et de la confiance mutuelle dans le couple élu-agent », estime, de plus, La 27 e Région.
Afin d’aller plus loin, certaines collectivités locales formalisent la relation à travers des contrats d’engagements mutuels ou des chartes de gouvernance qui clarifient les rôles respectifs de chacun et définissent le mode de travail collaboratif. « C’est intéressant de rédiger les règles de fonctionnement en commun pour clarifier qui fait quoi, à quel niveau. Cette formalisation peut se faire dans le projet d’administration », indique Florent Noulette. «La charte n’est utile que si l’on est certain qu’elle va être appliquée. Si les élus ne sont pas pour, cela ne fonctionnera pas ! » prévient cependant Stéphane Jenck, directeur associé du cabinet Oasys consultants, chargé du secteur public. La ville d’Arras ne dispose pas d’un tel document, mais d’une direction « méthodes et procédures » qui formalise les process dans des guides. « Cela aide les élus à savoir vers qui et vers quelle instance se tourner », rapporte Fabrice Bailleul, le directeur général des services. L’écoute dont vont faire preuve les cadres territoriaux va jouer un rôle clé dans la manière dont seconstruira la relation. « Le premier client de l’administration, c’est le maire ou le président. Il faut comprendre ce qu’il veut imprimer, pour se mettre au diapason », rappelle Stéphane Jenck.