Retrouvez l’expertise de Karine Lair, Directrice Générale d’Oasys Dirigeants, publiée sur GPO Mag.
Si vous êtes un étudiant, un jeune professionnel ou déjà un cadre à fort potentiel et que vous ambitionnez de devenir un jour dirigeant, vous vous posez peut-être la question « Suis-je capable de devenir dirigeant ?». Pourtant celle que vous devriez vraiment vous poser est « Suis-je né pour devenir dirigeant ? ».
Cette question vous choque ? L’idée que l’origine de votre naissance, ou pire celle des autres, permettrait ou non l’accès aux fonctions supérieures, vous révulse ? C’est bien normal dans le pays de Pierre Bourdieu.
Les entreprises se positionnent de plus en plus ces dernières années comme garantes de l’équité de traitement et de la diversité dans les processus RH (recrutement, nominations, …). Les plus grandes mettent en place des dispositifs de sélection (Assessment de haut potentiel, plan de succession, …) visant, à terme, à transformer l’image des gouvernances.
Ces transformations tardent pourtant à arriver, ce qui conduit le législateur à légiférer en la matière. La méthode des quotas qui avait si bien fonctionné pour la féminisation des Conseils d’Administration1, a été réitérée avec la Loi Rixain visant à accélérer la parité notamment au plus haut niveau de gouvernance des entreprises2. Cependant, après nous être réjouis de cette avancée, il s’avère que ce qui nous saute aux yeux c’est l’origine de ces femmes qui arrivent dans ces instances. D’une part, elles sont jeunes (moins de 45 ans) et d’autre part, elles viennent en majorité des grandes écoles (Sciences po, écoles de commerce). Qu’il est difficile l’équilibre de l’égalité des chances…
Alors, regardons ainsi de plus près quels sont les obstacles qui font que « vouloir » devenir dirigeant ne rime pas forcément avec « pouvoir » devenir dirigeant.
Mauvaise ou bonne nouvelle ? Le talent n’existe pas !
L’une de ces circonstances pourrait être la combinaison de votre date de naissance, l’environnement dans lequel vous évoluez, et les qualités attendues dans celui-ci. En effet, c’est dans les années 80 qu’un psychologue canadien Roger Barnsley a mis en évidence le fait que les équipes juniors des hockeyeurs composées d’une majorité de jeunes gens nés en janvier, février et mars avaient des succès plus probants que les équipes adverses de juniors nés les autres mois de l’année. Pourquoi ? S’il faut constituer une équipe de juniors entre 9 et 10 ans et que ceux-ci ont quelques mois d’avance sur les autres compétiteurs alors, vous disposez de garçons plus robustes, plus forts, à une période de la vie où quelques mois peuvent faire la différence et transformer le potentiel physique. Il s’agit d’une combinaison de circonstances spécifiques3.
Quand vous êtes un jeune californien dans les années 70 (époque) et que vous disposez d’un équipement d’ordinateurs de toute nouvelle technologie dans votre université (environnement) et deux amis aussi curieux que vous pour cet univers (soutien), alors c’est ce concours de circonstances qui peut vous faire devenir l’un des patrons les plus célèbres dans le monde tel Steve Jobs.
Il vaut mieux hériter d’un capital socio-culturel qu’un capital financier
Le capital financier est perçu comme l’un des principaux facteurs de déterminisme. Pourtant, la plupart des études sociologiques démontrent que c’est le capital socio-culturel qui prédit le plus la réussite sociale.
Sur les 40 patrons du CAC40, aucun n’est issu d’un parcours universitaire. Bien entendu, les écoles de commerce dont la promesse est de préparer à des postes à responsabilité en entreprise sont très nettement représentées. Cependant, 12 % d’entre eux ont fait l’ENA, cette formation typiquement française, aujourd’hui révolue (Jean Lemierre – BNP Parisbas, Alexandre Bompard – Carrefour, Paul Hermelin – Capgemini, …). 37% sont diplômés d’une grande école d’ingénieurs.
La formation universitaire est donc un chemin de traverse dans lequel on peut se perdre si on a la volonté d’accéder à des fonctions de COMEX ou CODIR de grands groupes. Seul Lakshmi Mittal est pourtant bien issu de l’université de Calcutta et il pourrait être pris en exemple, s’il n’était pas le fils.
Tout est une histoire d’apparence
L’apparence physique est un des facteurs les plus insidieux de détermination sociale et de reproduction des inégalités.
Une récente expérience (2017) confirme ce propos4. Sur 4500 étudiants, filles et garçons, répartis sur une échelle d’attractivité, les notes reçues en présentiel ou distanciel sont différentes. Ainsi, ceux qui sont jugés les plus « attirants » ont de meilleures notes attribuées en présentiel que les autres. En distanciel, ils perdent leur avantage concurrentiel. Cependant, il nous faut être beaux mais pas trop, surtout si on est une femme ; les plus « attirantes » perdant elles aussi cet avantage car leur capacité mentale est dans l’imaginaire des évaluateurs, antinomique à leur beauté. Il s’agit d’un biais cognitif bien connu des psychologues.
A l’instar de Carlos Ghosn, vous pouvez choisir d’améliorer votre apparence (ou/et dénoncer ce diktat collectif). C’est au moment où il a commencé à atteindre les sommets de la gouvernance Renault Nisan, que ses lunettes disparaissent, ses costumes deviennent plus saillants et ses cheveux plus nombreux. Il n’avait pas eu besoin de ces attributs pour son ascension hiérarchique (son capital socio-culturel ayant été suffisant) mais visant le sommet, il s’est lui-même convaincu de cette nécessité.
Alors, si le déterminisme est si fort, pourquoi faire des efforts ?
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