Les passerelles Public-Privé, mythe ou réalité ?

Article écrit par stéphane Jenck le 12/01/2020. Stéphane Jenck est Directeur de la Practice Secteur public au sein d’Oasys Consultants.

“On accompagne mieux les individus quand on connait leur métier.”
Les directeurs des practices métiers d’Oasys publient chaque mardi, un article pour vous conseiller au mieux dans votre recherche d’emploi ou souhait de mobilité et évolution, grâce à leur connaissance fine des évolutions des métiers, de ses filières, de ses tendances actuelles et perspectives d’avenir.

Si les cadres du secteur privé intègrent le secteur public sur des niches de compétences, souvent en lien avec la Réforme de l’Etat ou la modernisation des services, les reconversions de cadres publics vers le secteur privé demeurent limitées aujourd’hui. La loi de Transformation de la fonction publique et le Rapport Thiriez relancent le développement de ces passerelles.

La question est régulièrement posée depuis une quinzaine d’années mais qu’en est-il dans les faits ? La réforme de l’Etat initiée en 2007, et élaborée par des binômes d’experts privés-publics, a été rapidement suivie en 2009 par une loi favorisant le départ de la Fonction Publique d’Etat, véritable dispositif de départs volontaires.

La modernisation de l’Etat et des collectivités locales a développé le recours aux compétences du secteur privé

Depuis la RGPP*, l’Etat recrute des profils d’experts sur des compétences rares, informatiques en particulier mais aussi dans le domaine des ressources humaines ou des achats voire de la communication. Les compétences recherchées s’inscrivent dans les actions de modernisation de l’Etat et de développement de l’administration 2.0. Les recrutements dans le secteur privé sont généralement plus aisés auprès de jeunes professionnels, qui chercheront à bonifier leur CV de références prestigieuses et qui leur permettront de travailler sur des dispositifs de très grande envergure. De plus, les prétentions salariales sont plus simples à contenter, ce qui n’est pas toujours le cas de salariés plus expérimentés. En outre, quitter une grande entreprise pour rejoindre les services de l’Etat ne va pas de soi quand les contrats sont limités à trois ans et qu’aucune garantie de retour n’est appliquée ; cela constitue un réel risque de carrière.

Les passerelles interministérielles sont plus fréquentes que des passerelles Public Privé

Les restructurations se poursuivent à chaque nouvelle mandature et malgré cela, hormis les officiers du ministère des Armées, les départs vers le privé font peu d’émules parmi les cadres publics en dépit de la loi de 2009. Les recruteurs privés se montrent intéressés lorsque leur activité est directement connectée au secteur public ; le carnet d’adresses et la connaissance des codes sont des atouts que les cadres publics peuvent mettre efficacement en avant. Le dispositif de départ volontaire ne s’est pas montré suffisamment attractif pour les fonctionnaires et n’a donc pas atteint l’objectif de déflation attendu. Les agents « restructurés », autrement dit en mobilité contrainte, se repositionnent essentiellement dans un cadre interministériel ou auprès d’opérateurs de l’Etat. Les mobilités interministérielles font d’ailleurs l’objet de réelles avancées et pas uniquement du fait des restructurations. La gestion des cadres dirigeants a pris depuis 10 ans une réelle dimension interministérielle, avec une logique de vivier, une recherche de diversification des profils et de féminisation du public Dirigeant. Des dispositifs interministériels se développent également auprès des cadres supérieurs, en particulier sur les formations.

Dans la Fonction Publique Territoriale, les passerelles sont plus étendues, avec une part de contractuels qui représente déjà 20% des effectifs.

Des dispositifs récents appuient les passerelles Public / Privé

La loi de Transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019 simplifie le recours aux contractuels, notamment pour l’accès aux emplois de direction au sein de ministères : Chefs de service, sous-directeurs, directeurs de projets, experts de haut niveau. Cette ouverture a généré des inquiétudes chez les cadres publics, c’est pourquoi le Rapport Thiriez préconise de cibler cette possibilité pour les compétences rares : numérique, RH, communication, transformation. De plus, les ministères sont invités à traiter les écarts culturels par des politiques d’intégration volontaristes.

Dans le sens inverse, la DGAFP**(DRH de l’Etat) a mis en place l’an dernier une agence de reconversion couvrant l’ensemble des services de l’Etat. Cette Agence doit mettre en œuvre un dispositif d’accompagnement de carrière vers le secteur de type outplacement (bilan de compétences/projet professionnel/réseau de recruteurs privés). Soulignons que ces mobilités vers le privé ne sont pas définitives. Cette fois, les administrations pourront réintégrer ces cadres cinq ans après leur mobilité. Reste à voir si ces mobilités seront bien reconnues dans la gestion de carrière de ces cadres publics, l’efficacité de cette mesure en dépend.

En conclusion, les passerelles existent bel et bien du privé vers le public sous réserve de disposer de compétences spécifiques en informatique, en transformation et modernisation des organisations. Du public vers le privé, les compétences sont moins bien cernées par les recruteurs privés, qui placent aujourd’hui leur intérêt plutôt sur le réseau et la connaissance des codes. Gageons que les évolutions en cours permettront une meilleure connaissance des compétences des cadres publics par le monde de l’entreprise.

 

*Révision Générale des Politiques Publiques (réforme de l’Etat sous la mandature Sarkozy)

**Direction Générale de l’Administration de la Fonction Publique

 

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