Lost in consulting ?

Avec « On ne change pas l’entreprise par décret », publié en octobre dernier chez Seuil, François Dupuy clôt sa fameuse trilogie « Lost In Management ». Le premier ouvrage, éponyme de la série, connait depuis sa sortie en 2011 un succès jamais démenti (si vous n’avez lu qu’un livre de management ces dix dernières années, c’est probablement celui-ci). Il a donné une nouvelle actualité aux thèses de l’école sociologique de l’analyse stratégique des organisations, dont François Dupuy est une des figures de proue.

C’est grâce à cette école que je suis « entré dans le métier », il y a de cela plus de 25 ans. Malgré elle aussi. Parce que cette école, je m’en suis progressivement détaché. Et parce que ce métier est celui de consultant, activité souvent rudoyée par François Dupuy et ses pairs.

La sociologie des organisations

Revenons quelques années en arrière. Etudiant, je me suis très tôt passionné pour les travaux de ce courant de la sociologie des organisations. Son livre culte, « L’acteur et le système », de Michel Crozier et Erhard Friedberg, s’est vite trouvé sur ma table de chevet, chargé d’annotations et autres surlignages jaune fluo. J’aimais cette approche qui ouvrait des possibilités d’aborder la question des Hommes dans les entreprises autrement que sous l’angle la psychologie comportementale. Et avec beaucoup plus de rigueur (à mes yeux !) que les « best-sellers » de management des « gourous » américains. Et, puis cette idée que les êtres humains gardent toujours, dans des environnements coercitifs, une marge de liberté et de pouvoir me plaisait.

Son propos : les acteurs d’une organisation ont des comportements rationnels au regard du système au sein duquel ils évoluent. Pour changer leurs pratiques, il faut donc toucher au système. Par exemple, si vous voulez que des gens collaborent entre services, faites-en un enjeu professionnel. Une façon (parmi d’autres) d’y arriver est d’instaurer un nouveau critère pour le calcul de la prime variable de fin d’année : le nombre de projets transversaux réalisés. A contrario, ne croyez pas que formaliser les coopérations attendues dans un logigramme suffira à atteindre votre but. Les salariés, disposant d’une capacité collective propre et agissant de façon rationnelle, déploieront naturellement des stratégies de contournement pour répondre à leurs enjeux initiaux.

J’ai donc très vite cherché (c’était mon enjeu stratégique !) à entrer dans un cabinet de conseil me permettant d’appliquer ces préceptes, et ce faisant d’aider, de façon efficace à mon sens, les femmes et les hommes des organisations à être mieux dans leur travail. Pourquoi le conseil, plutôt que la recherche ? Précisément parce que je voulais être au cœur de l’action. Agir. Mettre en œuvre l’analyse stratégique « pour de vrai ».

J’ai intégré un cabinet parisien réputé pour ses approches inspirées de ce courant. Mais, dès mes premières missions, j’ai réalisé que pour une large majorité des managers, le « système de l’organisation » ne leur offrait aucun levier pour accompagner le changement. Il s’agissait pour eux d’un paramètre, non d’une variable. Cette découverte a changé mon regard sur la façon d’aborder le changement en entreprise.

L’accompagnement des dirigeants d’entreprise

Dans une interview récente à l’observatoire de la compétence métier, François Dupuy regrette que « les cabinets de conseil, pas davantage que les business schools, ne s’intéressent avec une rigueur scientifique à la complexité des organisations ». Il a raison, mais son propos vise l’accompagnement des dirigeants d’entreprise. Ce n’est pas aider le patron d’un département, un chef de service, un leader d’équipe de production que de leur dire : agissez sur les enjeux stratégiques de vos troupes ». Ils aimeraient bien ! Mais s’ils ont besoin d’un consultant, c’est précisément parce qu’ils doivent embarquer leurs équipes dans un changement sur lequel ils ont eux-mêmes, à leur niveau, très peu de prise. Entendons-nous bien. Il est possible et il faut agir sur le système. Mais seul le leader au somment de l’organisation, éventuellement son équipe rapprochée (mais rarement plus de trois ou quatre personnes) en a la possibilité. A l’instar de Christian Blanc au moment de la terrible crise d’Air France de 1994, comme le rappelle François Dupuy dans cet autre interview donnée à France Culture).

 

Cette découverte fut déterminante dans ma vie professionnelle. Elle m’a poussé à chercher des approches utiles pour les « opérationnels du changement ». Sans éluder la complexité de leur environnement. Mais en proposant à ces managers des solutions qui s’inscrivent dans leur champ de manœuvre. La « méthode du W », développée avec Antoine des Mazery et que nous appliquons aujourd’hui avec les consultants du groupe Oasys, visait notamment à cela. Elle fait depuis plusieurs année ses preuves sur le terrain.

Depuis, aider des managers à avancer avec leurs équipes dans un environnement de travail qui ne leur facilite pas la tâche, sans toucher, sauf à la marge, au règles formelles et informelles qui régissent cet environnement est un défi que je cherche à relever tous les jours. Avec, pour seul juge de paix, ces mêmes managers, aux commandes du changement, sur le terrain.

Pour en savoir davantage sur le management participez à notre webinaire en présence de François Dupuy – Mardi 15 décembre

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David Askienazy

David Askienazy – Directeur de projet