Article publié dans Cadre Averti le 14 septembre 2019.
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, d’une procédure de licenciement individuel, d’un licenciement économique ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), le salarié peut bénéficier d’un outplacement. S’il était autrefois destiné aux dirigeants et cadres supérieurs, il est aujourd’hui un point essentiel de négociation avant de démarrer une transition professionnelle. Cette semaine Cadre Averti revient sur ce dispositif avec Karine Lair, directrice générale adjointe du cabinet Oasys, qui accompagne les personnes et les entreprises dans leurs transitions.
Cadre Averti : Pourriez-vous donner une définition de l’outplacement ? Comment peut-on traduire ce dispositif en Français ?
Karine Lair : L’outplacement est une prestation prise en charge par l’employeur au moment d’une séparation avec l’un de ses salariés pour l’aider à rebondir rapidement. Généralement, cette prestation s’adresse aux cadres, cadres supérieurs et dirigeants. Elle leur est proposée par l’employeur ou ils peuvent la demander, au moment de la transaction de départ ou la Rupture Conventionnelle (RC). Elle existe également pour toutes les catégories de salarié sous une forme dite collective, dans le cadre de PSE (plans sociaux) ou Plans de départs volontaires ou Rupture Conventionnelle Collective (RCC).
L’outplacement a vocation d’aider le collaborateur à retrouver un nouvel emploi ou à l’accompagner dans son projet de création, reprise d’entreprise ou d’activité indépendante. C’est un métier qui est encadré par un syndicat professionnel SYNTEC Conseil en Evolution Professionnelle (CEP) pour garantir à la fois un niveau de prestation efficace mais également une conduite éthique et déontologie indispensable pour travailler avec des individus qui peuvent se trouver fragilisés dans des périodes de rupture professionnelle. Le Syndicat SYNTEC CEP publie sur son site la liste des cabinets labellisés.
Il n’y a pas vraiment de traduction à cette terminologie qui est d’origine nord-américaine. Dans les outplacements collectifs, il est parfois d’usage de parler de dispositif de reclassement externe, d’antenne emploi ou cellule de reclassement.
Cadre Averti : Quels sont les objectifs de l’outplacement ?
Karine Lair : L’Outplacement a vocation à accompagner le collaborateur à retrouver une position professionnelle qui répond à la fois à ses nécessités économiques mais aussi à des aspirations personnelles et professionnelles. Les transitions étant de plus en plus nombreuses dans un parcours professionnel c’est aussi un moment qui peut devenir une opportunité pour faire un point de carrière, se projeter dans l’avenir, se poser les bonnes questions en terme d’employabilité à moyen et long terme et développer des compétences notamment comportementales (soft skills) aujourd’hui essentielles dans la réussite d’une carrière.
Il est à noter que de plus en plus de cadres souhaitent créer ou reprendre une activité voire de se mettre en indépendant. C’est environ 15 % des projets que nous accompagnons. Ce sont des consultants experts qui interviennent dans ce type de projet car les enjeux et le montage des projets sont très spécifiques (étude de marché, business plan, recherche de financement, …). Certains cabinets d’outplacement disposent d’équipes spécialisées dans ce domaine.
Cadre Averti : Quels sont les avantages pour les salariés et pour les entreprises ?
Karine Lair : Les entreprises qui proposent cette prestation, lors d’une séparation professionnelle, souhaitent traiter humainement et respectueusement leur collaborateur en facilitant psychologiquement la transition et en participant à un retour à l’emploi plus rapide. Elles sont soucieuses de leur image et leur responsabilité sociale à la fois vis-à-vis des salariés restants, des futurs recrues mais également des clients, de l’opinion publique, ….
Pour le salarié, c’est un réel avantage. Il ne faut pas hésiter à le demander lors des négociations de départ. Les cadres ont un marché de l’emploi qui est concurrentiel, complexe et technique, surtout pour les plus de 45 ans. Plus que les autres, ils ont besoin de disposer d’un réseau solide, de canaliser de manière optimum leur énergie, de pas perdre le contact avec leur marché. Par ailleurs, la recherche d’emploi est devenue une compétence à part entière avec à la fois le besoin de comprendre où se trouvent les décideurs, comment les approcher et intégrer toutes les nouvelles technologies dans sa stratégie (profil LinkedIn, utilisation des bases de données, compréhension du fonctionnement des algorithmes sur le tri de CV et plateformes, …). Les transitions professionnelles peuvent être ressenties comme isolantes et il y a un risque de perte d’identité sociale. C’est à l’ensemble de ces enjeux que répondent l’outplacement.
Cadre Averti : Comment accompagnez-vous les salariés ?
Karine Lair : Nous commençons par faire avec le cadre accompagné un bilan professionnel et personnel qui est une sorte de Check-up de carrière. Cela permet d’identifier le fil rouge du parcours professionnel mais également de mettre des mots sur des compétences intuitives et dont on n’a pas toujours conscience. Identifier ses valeurs et ses motivations est également primordial pour des fonctions de managers qui devront ensuite être porteur de sens en entreprise.
Cette phase débouche sur un ou plusieurs projets professionnels qui se devront d’être affinés et validés à la suite notamment de rencontres avec des experts mais également un réseau de décideurs et intermédiaires de recrutement, pour aboutir à un projet réaliste et réalisable sur le marché de l’emploi.
Ensuite, le cadre est conseillé et accompagné sur la définition de sa stratégie de recherche d’emploi et sur les outils et techniques de communication à mettre en œuvre. Cette phase s’est de plus en plus professionnalisée ces dernières années. Il ne s’agit plus seulement de disposer d’un CV mais surtout de savoir comment utiliser les réseaux sociaux, se construire une identité numérique et mobiliser habillement son réseau relationnel pour identifier des opportunités d’emploi pertinentes et se faire connaitre des décideurs de son marché.
Le réseau relationnel reste le premier pourvoyeur d’opportunités professionnelles pour les cadres avec 57 % de repositionnement par cet intermédiaire (source SYNTEC CEP). Il est illusoire de penser que votre coach pourra vous faire bénéficier seul de son réseau relationnel ; un réseau ne se prête pas. Il est donc primordial d’être accompagné par son coach pour justement construire ou élargir son réseau relationnel et en tout état de cause savoir le mobiliser au profit de sa recherche d’emploi ce qui est très différent d’une utilisation à titre personnel ou développement commercial par exemple. Ce travail sur le réseau est l’un des acquis les plus bénéfiques de l’outplacement car il constitue pour un cadre, même en poste, un patrimoine professionnel important, reconnu par les recruteurs comme gage d’une compétence précieuse.
Le rôle du cabinet d’outplacement est donc d’avoir une proximité forte avec les cabinets de chasses de tête et de recrutement, les DRH mais aussi les directions opérationnelles des entreprises pour faciliter les mises en relation.
Même si la recherche d’emploi n’est pas une activité à plein temps, c’est une préoccupation de chaque instant. Au-delà de l’aide technique et des entrainements aux entretiens de recrutement ou réseau qui peut exister dans les ateliers en petits groupes, ce sont aussi des moments privilégiés pour se retrouver entre pairs qui vivent une expérience commune.
Le coach aide également dans la décision au moment du choix de différentes opportunités. Il apporte un regard éclairé et avisé et permet au cadre de prendre sa décision sereinement. Il peut conseiller quant aux modalités contractuelles et ainsi aider à la négociation.
Enfin, le coach va suivre l’intégration en période d’essai pour sécuriser celle-ci. Les 100 premiers jours d’une prise de fonction sont déterminants pour le positionnement du cadre dans sa nouvelle entreprise. Il est nécessaire de l’accompagner dans cette étape, à la fois pour l’aider à trouver ses marques mais également pour qu’il puisse réussir sur le long terme.
Cadre Averti : Comment est financé l’outplacement ?
Karine Lair : L’outplacement est financé par l’employeur au moment où l’accord de la rupture contractuelle se réalise entre lui et le cadre. Comme pour une formation, cette prestation n’est pas chargée fiscalement ni socialement.
Le coût de l’outplacement va dépendre de trois paramètres.
L’ancienneté dans le dernier poste est une composante prise en compte car plus que l’âge c’est un élément qui va introduire une nécessité de travailler de manière plus approfondie les outils de communication à la recherche d’emploi. Si vous êtes en poste depuis plus de 10 ans, il est fort à parier que votre profil LinkedIn n’est pas à jour ou pas en adéquation avec votre projet de recherche d’emploi. Votre réseau relationnel nécessite certainement d’être élargi pour notamment être davantage en contact avec les besoins du marché et attentes des recruteurs en terme de comportement. Si vous avez 50 ans mais que vous avez procédé à une mobilité professionnelle, il y a trois ans, vous avez surtout besoin de remobiliser vos ressources et les réajuster et vous êtes assez au fait des nouvelles pratiques de recrutement, du marché, des salaires…
L’autre composante qui induit le coût est le niveau de responsabilité que vous avez tenu. Cela va s’objectiver par le niveau de rémunération annuelle, un peu à l’instar des pratiques des chasseurs de tête.
Cadre Averti : Quel est le coût d’un outplacement ?
Karine Lair : Et enfin, la durée et les garanties de la prestation souhaitées sont évidemment un facteur déterminant dans le coût. Les outplacements ont généralement une durée de programme de 6, 9 ou 12 mois. Il existe également des prestations dites « illimitées », c’est-à-dire jusqu’à l’intégration en fonction et la confirmation de la période d’essai. Celle-ci peut être garantie pour permettre la reprise de la prestation en cas de période d’essai non concluante. Ces prestations illimitées sont généralement pratiquées pour les cadres Supérieurs et Dirigeants car plus pertinentes ; les postes sont plus rares et la compétitivité exacerbée par la dimension internationale.
Selon les cabinets Il faut donc compter entre 15 à 20% de la rémunération annuelle brute du salarié, pour un accompagnement complet.
La prise en charge revient à 100%. La pratique de monnayer cette prestation c’est-à-dire de verser dans la transaction le coût de la prestation s’est arrêtée il y a quelques années car elle était peu vertueuse. Les DRH ont remarqué que les cadres pouvaient être tentés de garder ce complément de transaction financière mais de se voir toujours sans emploi au bout d’un an ou plus … En désespoir de cause, ces cadres se tournaient vers les cabinets d’outplacement après avoir malheureusement « grillé » toutes leurs pistes et avec un choix de cabinets très restreint car la corporation travaille essentiellement avec les entreprises en direct.
Cadre Averti : Outplacement individuel ou collectif : quelle différence ?
Karine Lair : L’outplacement individuel est une prestation généralement réservée aux cadres et dirigeants au moment d’une rupture contractuelle individuelle quelle qu’en soit sa forme.
Le cadre choisit généralement le cabinet et le coach avec lequel il souhaite travailler et dans cette perspective rencontre 2 à 3 cabinets pour se faire une idée.
L’outplacement collectif que l’on appelle aussi antenne emploi ou cellule de reclassement est prévu dans le cadre de PSE (plans sociaux) ou Plans de départs volontaires ou Rupture Conventionnelle Collective (RCC). Dans ce cas, la prestation est proposée à tous les salariés quel que soit leur poste ou statut. Le choix du cabinet revient à la direction, souvent en concertation avec les Partenaires sociaux.
Cadre Averti : Comment peut-on bénéficier d’un outplacement individuel ?